July Martinez, nous raconte ici son expérience auprès des aînés et son métier d’animatrice tout en se questionnant sur l’importance du rôle social qu’elle avait auprès des seniors ! Elle est intervenue pendant 5 ans en tant qu’animatrice auprès des personnes âgées dans différents EHPAD et Résidences Services Seniors un peu partout en France. Son expérience de terrain l’a amenée récemment à fonder AnimAgeOr, la bibliothèque des animations seniors.
« Éducatrice Spécialisée de formation, sensibilisée à la sociologie, j’ai été interpellée par les différentes formes d’accompagnements des personnes âgées, les différentes visions portées par les nombreux professionnels qui régissent leur vie au quotidien. Je me suis beaucoup questionnée, sur quelle était la définition de l’animation auprès des seniors, qu’est-ce que l’on attendait de moi, et ce questionnement a souvent été amené par la vue minimaliste portée par des collègues de travail qui ne voyaient dans l’animation qu’un simple jeu permettant d’occuper les résidents. »
Un rôle social primordial : un mariage organisé pour 300 personnes !
Selon vous, July, qu’est-ce qu’un animateur ? Quel rôle doit-il jouer au sein d’une structure ? Quelle est sa fonction ?
« J’ai trouvé nécessaire, tout au long de mes interventions, de cibler mon action sur la parole des résidents. Les écouter, les entendre pour mieux les accompagner. Je vais vous raconter une belle expérience au sein d’une de mes résidences.
Au fil des échanges, il m’est apparu un élément essentiel chez eux, qui régulièrement revenait dans les échanges individuels : le manque de participation à des événements familiaux depuis leur entrée en institution. Plus mobiles, moins patients, mariages et baptêmes étaient désormais des événements vécus de loin.
J’ai donc, en collaboration avec les équipes et les résidents, monté un projet fil rouge sur toute une année autour d’un mariage comme dans les années 50, une façon de répondre collectivement à des demandes individuelles.
Chaque personne, professionnel, bénévole, intervenant extérieur, membre des familles, mais surtout résident, s’est vu attribué une mission afin de mener à bien ce projet.
Un véritable travail de collaboration s’est mis en place, où chacun avait son rôle à jouer. Il m’a fallu coordonner les équipes, et tous les intervenants gravitant autour de ma fonction d’animatrice pour y parvenir.
Réflexion autour d’un repas de fête avec le cuisinier, choix des coiffures avec les coiffeuses, des tenues avec les aides soignantes, adaptation du rythme de la journée pour l’événement. »
Et qu’avez-vous observé auprès des résidents et de l’équipe plus largement ?
« Chaque résident, s’est senti valorisé dans cette action puisque les paroles des résidents, leurs souvenirs, leurs expériences ont été placées au centre de ce projet. J’ai observé durant ces ateliers préparatoires des faiblesses motrices s’envoler par la simple volonté de « réaliser « et le plaisir d’être entendu. Des acquis maintenus bien au delà du projet.
J’ai assisté à des rires et à des échanges entre personnes isolées qui prenaient plaisir à se retrouver pour parler de ce projet. J’ai vu des prises d’initiatives chez des personnes muettes qui, depuis leur arrivée dans l’établissement, attendaient que le temps passe. Ainsi que des équipes enthousiastes volontaires, portées par la dynamique de sortir du quotidien. »
L’animation, vecteur principal du mieux vieillir
Malgré des imprévus, peut-on dire que cette démarche d’écoute et de travail sur la volonté des résidents impacte positivement leur santé et ce, sur la durée ?
« Certains imprévus se sont présentés durant cette année fil rouge où il a fallu, parfois à la dernière minute, adapter l’animation, reprogrammer, annuler…
Mais en prenant en compte le public et ses spécificités, ces imprévus, souvent sources d’angoisses et perturbants en EHPAD ont été bien amenés par l’ensemble des équipes, où des réponses tellement inattendues par habitudes étaient apportées par les résidents qui, investis de cette mission apportaient eux même les solutions.
Cette journée extraordinaire, qui a réuni plus de 300 personnes au sein de la structure, voisins, amis, familles, anonymes, a permis de faire prendre conscience aux résidents qu’il vivaient et qu’ils étaient en capacité de faire encore. Suite à cette journée, le regard du monde extérieur a changé sur l’établissement, mais le regard du résident sur lui même a changé. Plus de confiance en lui, plus d’initiatives, plus d’envie.
Ce fil rouge m’a permis d’avoir des animations pertinentes, d’être moins dans la stimulation et plus dans l’échange et le partage. Le résident, est sorti de l’attente pour laisser place au faire. Des toilettes moins longues, des repas pris en autonomie, des demandes de sortie, des propositions… »
Finalement est-ce possible d’amener cette dynamique dans les établissements ?
Oui, c’est possible d’amener cette dynamique dans nos établissements et j’en suis convaincue.
Comment? En prenant pour point de départ l’essentiel : la parole et la volonté du résident. Face à une population de plus en plus vieillissante, avec des pathologies de plus en plus lourdes, la vie sociale ne doit pas être mise de coté. Il est essentiel à mon sens que les animateurs soient placés au centre des établissements et deviennent les garants de ce bien-vivre et bien-vieillir si cher à nous tous. L’animation auprès des personnes âgées est un métier d’avenir. Celui qui amènera l’accompagnement des seniors vers le bien vieillir et le vieillir ensemble.
Merci July, pour ce témoignage qui confirme selon Tous en Tandem, « l’importance de dynamiser la vie sociale des aînés en étant au plus près de leurs désirs et leur volonté. L’animateur est un pilier essentiel de l’organisation des établissements mais il est intéressant de voir également que l’ouverture sur l’extérieur a été dans cette expérience un des moteurs de la réussite de ce projet. »