« Une voix au niveau le plus profond de l’être est d’abord le souffle, la respiration maintenue, la vie poursuivie »
Des études menées en milieu gériatrique (Colin et al, 1979) démontrent que l’involution cérébrale n’est pas nécessairement synonyme d’une involution créatrice ou d’une régression du besoin de s’exprimer, au contraire. L’âge peut même avoir un effet stimulateur sur l’imaginaire de certaines personnes âgées.
Janina Zarecz de Foresta, Psychologue hospitalière au CHPL de la Charité-sur-Loire nous livre ici une partie de son expertise…
Le chant à travers le prisme psychiatrique
En partant de l’idée que le besoin de s’exprimer et l’imaginaire ne vieillissent pas et que la vieillesse peut être active et créative, un atelier d’expression artistique par la médiation du chant a été proposé à l’hôpital, au sein du service de géronto-psychiatrie, par la psychologue et une aide-soignante. Cet espace de rencontre où patients et soignantes se retrouvent une fois par semaine a été conçu comme un lieu où les activités psychiques peuvent être exprimées, élaborées et valorisées dès l’instant où elles ne sont pas seulement livrées à elles-mêmes mais aussi partagées et reconnues par autrui.
La médiation du chant est un prétexte à la rencontre et il s’agit d’inventer des situations qui puissent être saisies par l’autre comme bonnes pour mettre au travail les mécanismes psychopathologiques qui affectent. Le chant a cette capacité par laquelle plusieurs voix peuvent chanter ensemble en même temps sans qu’il y ait confusion, comme c’est le cas lorsque tout le monde parle en même temps. Cette expérience sonore peut offrir un outil perceptif et psychologique à chaque participant de sorte qu’il se crée sa propre » enveloppe sonore » afin de se protéger d’une surcharge d’excitation, d’une saturation d’émotion.
Guérison affective
Mme S.75 ans en grande quête affective et avec une identité peu structurée marquée par de nombreuses défaillances dans la permanence de la relation a pu intégrer l’atelier durant 6 mois. Le cadre de l’atelier semble lui convenir, elle y trouve un certain intérêt et investit le groupe. Dans le service elle recherche anxieusement le contact physique, veut prendre la main de chaque personne rencontrée tandis qu’une intrusion dans son propre univers provoque une crispation musculaire, des tremblements et l’envie de frapper. Au cours des séances elle s’apaise, parait détendue, souriante, chante joyeusement, fait preuve d’imagination et d’humour. Un dialogue à deux ou en groupe s’instaure.
Mme S semble retrouver progressivement le sentiment de son existence le « je » semble reprendre sens. La restauration du narcissisme de la patiente à travers la médiation a permis le renforcement du Moi, un déclenchement de paroles associatives et ainsi la renaissance du désir. A sa sortie Mme S avait demandé qu’on lui copie certaines paroles des chansons, signifiant ainsi son désir de poursuivre cette parole chantée qui lui a redonné un certain gout du faire et de l’effervescence de l’activité cérébrale.
La thérapie par la mélodie
La musique, le chant ce sont les expressions primordiales de notre culture. Le musicologue Green estime que l’on exerce un contrôle sur les effets de la musique et que l’on décide quand et pourquoi se laisser « introjecter » par elle, ce qui n’est pas le cas pour les sons inorganisés. La musique est révélatrice des tensions, des détentes des disharmonies, des conflits. C’est l’impact sociologique du chant qui sert de relais pour l’approche thérapeutique.
La musique opère comme catalyseur des troubles sociaux, elle les représente, les met en scène rendant dicible l’indicible. Il s’agit bien de ce mouvement qui va de soi a l’autre, ce travail de revalorisation, de dignité et d’humanité à la foi si modeste et si crucial. La thérapie qui utilise le chant, se nourrit de notre part de savoir et d’insouciance, de ce reflet éternel d’enfance, de cette capacité de jeu et de transformation. « Un corps blessé peut, en chantant retrouver sa frontière par l’extériorité mise en place dans la projection sonore, Cette frontière redélimitée entre le dedans et le dehors permet à la personne de retrouver son identité ».
« Si la musique plaît universellement ……c’est parce qu’elle s’oppose à la mélancolie du langage universel et nous fournit une occasion unique de retrouver le bonheur d’avant les mots. » (M-F Castarède in Dossier « L’enveloppe vocale »