Le lien entre déficit auditif et troubles cognitifs est aujourd’hui bien établi.
Le 100% santé a favorisé l’accès à l’appareillage en supprimant le frein financier.
Mais pour être efficace, il faut aussi réapprendre à bien entendre et à comprendre.
Face à ce constat, les laboratoires d’audiologie Renard ont développé avec Jérôme André, orthophoniste, des ateliers de stimulation auditivo-cognitive (Asac) en Ehpad. Celui-ci nous explique leur finalité.
Quels sont les enjeux de la perte d’audition pour la santé des personnes âgées ?
La perte d’audition est un enjeu de santé public car elle engendre le spectre des 3 « D » :
- dépression,
- dépendance et démence,
- à quoi s’ajoute le risque de chute.
De plus, une surdité légère multiplie par 1,8 le risque de développer une maladie de type Alzheimer, une surdité moyenne multiplie le risque par 3 et une surdité sévère presque par 5. Or la surdité est une pathologie sur laquelle on peut agir en mettant en place une autre forme d’audition. La détection du trouble auditif est donc très importante.
Comment l’idée de proposer des ateliers qui lient audition et stimulation cognitives est-elle née ?
Le fondateur des laboratoires d’audiologie Renard, Xavier Renard, est parti du constat que le personnel qui encadre les personnes âgées n’était pas formé à la gestion des appareils auditifs.
Par conséquent, 80% des personnes âgées ne portaient pas leur appareil en institution.
Une fois le personnel formé et sensibilisé aux enjeux de l’appareillage et à la manipulation de ces appareils, la tendance s’inversait.
Christian Renard, qui a pris la suite de son père pour diriger les laboratoires Renard, a donc lancé un programme pour les établissements partenaires qui répond à quatre objectifs :
- la formation du personnel en établissement,
- le repérage précoce des troubles auditifs des résidents,
- un suivi professionnel des personnes âgées en établissement
- et enfin la stimulation cognitive en lien avec l’audition.
Quel est le processus qui est développé dans vos ateliers de stimulation auditivo-cognitive (Asac) ?
On oublie que le principal organe de l’audition, c’est le cerveau.
Une fois appareillées, les personnes âgées retrouvent leur audition, mais il faut leur réapprendre à utiliser les sons qu’elles reçoivent.
L’objectif de nos Ateliers de stimulation auditivo-cognitive (Asac) est de réapprendre au cerveau à écouter.
Lorsque vous stimulez l’audition d’une personne, vous utilisez deux processus : l’audition périphérique, celle qui analyse le système sonore, et un processus central qui touche, entre autres, à la mémoire et aux fonctions attentionnelles.
Ce sont les animateurs qui mènent ces ateliers. Comment parvenez-vous à les impliquer ?
Nous avons fait en sorte que l’outil soit facile à utiliser pour l’animateur et qu’il soit pour les seniors, un temps ludique tout en restant stimulant. L’aspect plaisir est donc primordial (voir encadré).
C’est pour cela que la musique est très présente, car c’est un excellent vecteur de plasticité cérébrale. Quand vous écoutez de la musique régulièrement et de manière variée, vous utilisez les deux hémisphères du cerveau, ce qui permet de reconstituer des connexions neuronales.
Ces ateliers ne sont pas une réeducation orthophonique mais restent un outil de stimulation de l’audition sous forme d’animation de groupe.
A quelle fréquence ces ateliers auditivo-cognitive sont-ils organisés ?
Nous laissons les équipes libres dans leur utilisation de l’outil, que ce soit dans le choix du contenu ou dans la fréquence des ateliers.
Ces derniers doivent répondre aux besoins de chaque senior et ne pas ressembler à un programme de rééducation fastidieux. Les Asac ne se substituent pas aux autres prises en charge médicale ou paramédicale, mais viennent les compléter.
Quels sont les bénéfices constatés chez les participants aux Asac ?
Les Asac font l’objet d’analyses et de retours d’expérience.
Ainsi, nous avons pu constater que 85 % des résidents ressentent beaucoup ou énormément de plaisir à participer à ces ateliers.
Ils jugent également que cela contribue à la cohésion de groupe, à l’éveil de la pensée et de l’esprit et à l’activation de la mémoire.
Ce type d’entraînement peut donc les aider à être plus attentifs à ce qu’ils entendent, à améliorer leur compréhension de la parole dans le bruit, leur mémoire à court terme et leur vitesse de traitement.
Le plaisir avant tout
« Si vous créez du plaisir, vous stimulez les circuits dopaminergiques qui vont favoriser la rétention des informations donc le plaisir est très important dans l’apprentissage » explique Jérôme André. La notion de plaisir est primordiale pour stimuler les seniors.
Chez Tous en tandem, la notion de plaisir allié à la stimulation cognitive est au centre de ses ateliers culturels. Dans le livre blanc de Tous en Tandem, Cindy Barrote, fondatrice de l’association Artz, revient sur cette notion de plaisir qui est centrale “ Dans le bien vieillir il y a l’idée d’efforts à faire pour se maintenir en forme sur le plan physique mais aussi sur le plan cognitif. Il ne faudrait pas en déduire qu’il s’agit de s’astreindre à faire une somme de choses qui nous pèsent. Il faut réconcilier la stimulation physique et cognitive avec le plaisir. Commenter une oeuvre d’art, décrire ce qu’on y voit est à la fois plus plaisant et stimulant cognitivement que de tenter d’apprendre et de retenir une liste de mots.»
Cindy Barrote